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Accusations de crimes de guerre : TotalEnergies sous pression judiciaire en France et au Mozambique

Une nouvelle procédure judiciaire vise TotalEnergies. Une plainte pour complicité de crimes de guerre a été déposée lundi 17 novembre 2025 à Paris, ciblant les événements survenus en 2021 autour du vaste projet gazier Mozambique LNG. Le dossier a été transmis au parquet national antiterroriste, signe de la gravité des accusations.

L’ONG allemande European Center for Constitutional and Human Rights reproche au groupe français d’avoir fourni un appui financier et logistique à la Joint Task Force. Cette unité de l’armée mozambicaine est soupçonnée d’avoir arrêté, torturé et exécuté plusieurs dizaines de civils entre juillet et septembre 2021. Les abus auraient été commis à l’entrée même du complexe d’Afungi, au cœur de la province de Cabo Delgado.

À cette période, Mozambique LNG, dont TotalEnergies détient 26,5 pour cent des parts et assure l’exploitation, était en pause. L’attaque djihadiste de Palma en mars 2021 avait provoqué l’exode de centaines de personnes. Selon les éléments rassemblés par l’ECCHR, certains civils fuyant les combats auraient été interceptés par des soldats présents sur le site, puis enfermés dans des conteneurs métalliques.

Clara Gonzales, responsable du programme entreprises et droits humains de l’ONG, affirme que l’entreprise avait elle-même relayé des alertes dans plusieurs documents internes destinés à ses bailleurs publics. Les accusations reposent sur des rapports de sécurité et sur des informations obtenues auprès des autorités néerlandaises, qui évoquent des risques d’atteintes aux droits humains dès mai 2020.

Les révélations du média Politico en 2024 ont renforcé ces soupçons. L’enquête décrivait l’enfermement de 180 à 250 hommes dans ces conteneurs, dont plusieurs seraient morts par suffocation, tortures ou exécutions. Seuls vingt-six survivants auraient été retrouvés par les forces rwandaises déployées dans la région.

Le groupe français rejette catégoriquement ces accusations. La direction de Mozambique LNG affirme n’avoir jamais reçu le moindre signalement évoquant des violences ou des détentions à proximité du site. Elle soutient également que l’ensemble de son personnel avait quitté Afungi dès avril 2021, avant les faits rapportés.

TotalEnergies avait demandé l’ouverture d’enquêtes officielles en novembre 2024. Le procureur général du Mozambique a lancé une investigation en mars 2025, tandis que la Commission nationale des droits humains mène aussi ses propres vérifications. Plusieurs organismes de crédit export, dont UK Export Finance et l’agence néerlandaise Atradius, réexaminent actuellement leur participation.

Cette plainte intervient alors que TotalEnergies prépare la relance du projet Mozambique LNG, évalué à vingt milliards de dollars. Le groupe attend encore l’accord du gouvernement mozambicain pour couvrir 4,5 milliards de surcoûts, condition indispensable à la reprise. La production est théoriquement prévue en 2029.

Le financement repose sur quinze milliards de prêts, dont certains ont été suspendus. Les bailleurs publics doivent désormais mesurer leur risque de complicité et réévaluer les garanties sociales et sécuritaires du site. Les banques observent elles aussi l’évolution du dossier avec prudence.

L’entreprise fait par ailleurs face à une seconde procédure en France. Des survivants de l’attaque de Palma ont porté plainte en 2023 pour homicide involontaire et non-assistance à personne en danger. Le parquet de Nanterre a ouvert une enquête préliminaire en mars 2025 après la mort de plusieurs sous-traitants lors de ces violences.

Les conclusions des enquêtes mozambicaines et la position des financeurs néerlandais et britanniques seront déterminantes. Elles pourraient influer directement sur le calendrier de reprise du projet et sur sa crédibilité internationale.

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