Ce qui, à première vue, semblait être une série de déclarations citoyennes de “sages” locaux prend désormais les allures d’une opération politique savamment orchestrée.
Depuis trois jours, des vidéos et communiqués présentés comme des appels “respectueux” adressés à la Cour constitutionnelle se multiplient à Parakou, Savè, Ouèssè et Nikki.
Ces prises de parole, censées émaner de notables indépendants, plaident toutes dans le même sens : une décision favorable au parti LD dans un dossier en instance.
Mais derrière cette mise en scène, les faits sont de plus en plus clairs : le parti LD et certains de ses responsables orchestrent et relaient activement ces messages à des fins d’influence.
Une communication politique déguisée en parole citoyenne
Les discours, soigneusement préparés, reprennent les mêmes éléments de langage.
Dans chaque ville, le scénario est quasi identique : un groupe de “sages” s’adresse à la Cour constitutionnelle, vantant la “sagesse” du parti LD et demandant aux juges de “rétablir la justice”.
Des mots identiques, des tournures similaires, et parfois les mêmes visages.
Plus troublant encore, ces déclarations ne se limitent pas à des initiatives locales.
Elles sont immédiatement relayées par les canaux officiels du parti LD, notamment sur ses pages Facebook, des comptes WhatsApp de coordination et même sur les profils personnels de certains cadres et élus.
Une diffusion organisée, synonyme d’une stratégie de communication nationale loin de toute spontanéité citoyenne.
“Tout est planifié depuis le siège du parti, les textes sont préparés, et on demande aux militants d’intervenir en se présentant comme des sages”, confie sous anonymat un ancien membre du parti. “C’est une manipulation qui vise à influencer la perception du public… et peut-être celle de la Cour.”
Une tentative d’influence sur une institution indépendante
En relayant ces appels “communautaires” sur ses canaux officiels, le LD franchit une ligne rouge : celle de la pression publique sur une institution constitutionnelle.
La Cour constitutionnelle, garante de la régularité du jeu démocratique, doit rendre ses décisions en toute indépendance.
Mais cette multiplication de messages identiques crée un climat d’opinion qui cherche à façonner la perception du débat juridique en faveur du parti.
“C’est une forme de lobbying déguisé”, analyse un juriste contacté par Actus du Bénin.
“Ces déclarations ne sont pas illégales en soi, mais elles participent d’une stratégie d’influence morale et médiatique qui peut saper la sérénité de la Cour. Dans une démocratie, c’est une dérive grave.”
Quand la parole des sages devient un outil de propagande
Au-delà de la tentative politique, l’affaire choque par l’instrumentalisation des “sages” des figures respectées dans la culture béninoise.
Faire parler des aînés, censés incarner la neutralité, pour des intérêts partisans, constitue une atteinte à la dignité morale de la parole communautaire.
“Chez nous, la parole du sage est sacrée. La détourner à des fins politiques, c’est une trahison morale”, réagit un notable de Nikki, outré par l’utilisation de cette symbolique à des fins partisanes.
Une pratique dangereuse pour la démocratie
En orchestrant une telle campagne d’influence, le parti LD prend un risque majeur : celui d’affaiblir la confiance dans les institutions et de brouiller la frontière entre engagement politique et manipulation publique.
Les citoyens, de plus en plus lucides, dénoncent une tentative d’infiltrer le débat judiciaire par la communication politique.
Les experts sont unanimes : la Cour constitutionnelle doit pouvoir délibérer à l’abri de toute pression.
Les décisions qui en sortent engagent la crédibilité de l’État, et non la stratégie de communication d’un parti.
Dans une démocratie solide, on plaide son dossier devant le droit, pas devant les caméras.
L’influence déguisée n’est pas un signe de force politique, mais de faiblesse démocratique.




