Le débat autour du voile islamique en France s’enflamme à nouveau après la volonté affichée du Rassemblement national (RN) d’en interdire le port dans l’espace public. Une position que la rabbine Myriam Ackermann-Sommer a vivement critiquée dans une tribune publiée mardi dans Libération.
Connue pour ses prises de position mesurées sur la laïcité, la docteure en littérature et diplômée de l’École normale supérieure accuse Jordan Bardella d’adopter une « conception profondément illibérale de la société », où l’État déciderait de ce qui est ou non un signe religieux acceptable.
Le président du RN assure vouloir interdire « uniquement le voile islamique », qu’il décrit comme un symbole politique. Une distinction que la rabbine juge arbitraire et incompatible avec le droit français. « Aucun texte de loi n’autorise à cibler spécifiquement ce vêtement », rappelle-t-elle, soulignant que la loi de 2010 ne vise que la dissimulation du visage, sans lien religieux explicite.
Elle interroge aussi la faisabilité d’une telle mesure : comment distinguer un voile porté par foi d’un autre perçu comme militant ? Pour elle, cette logique revient à priver les femmes musulmanes de leur pleine citoyenneté, en les assimilant systématiquement à une menace. « Une femme voilée ne témoigne plus d’une foi, mais d’une allégeance politique », déplore-t-elle.
Myriam Ackermann-Sommer met en garde contre une dérive contraire aux principes démocratiques. Là où l’État devrait protéger la liberté de conscience, le projet du RN, selon elle, tend à restreindre cette liberté au nom d’un idéal idéologique. « La démocratie, écrit-elle, n’est pas le règne de la majorité sur les consciences. C’est la protection de chacun contre l’arbitraire. »
Se sentant directement concernée, la rabbine rappelle qu’elle-même couvre sa tête en public, tout comme certaines chrétiennes, et refuse qu’un pouvoir politique décide de la légitimité des expressions religieuses selon les confessions.
Cette polémique intervient dans un contexte d’hostilité croissante envers les femmes musulmanes. D’après la DILCRA, 60 % des femmes portant régulièrement le voile déclarent avoir été discriminées au moins une fois, contre 44 % parmi celles qui ne le portent jamais. Le Collectif contre l’islamophobie en Europe a, quant à lui, recensé 828 actes islamophobes en 2023, en hausse de 57 % sur un an. Plus de 80 % de ces attaques visaient des femmes.
Pour Myriam Ackermann-Sommer, ce n’est pas « un bout de tissu » qui est en jeu, mais la capacité de la démocratie à protéger ses minorités. Son message s’adresse à l’ensemble de la société française : ce qui commence par une interdiction visant certaines croyantes pourrait, demain, concerner d’autres expressions religieuses.
À l’approche des élections, le voile reste un marqueur identitaire instrumentalisé, au cœur des tensions entre liberté individuelle, laïcité et instrumentalisation politique.




