Une étude marocaine publiée dans Scientific Reports (groupe Nature) met en lumière un aspect inattendu de la résine de cannabis : le temps de stockage modifie profondément sa composition chimique.
Réalisée sur 150 échantillons saisis dans le Rif, l’analyse révèle qu’un stockage prolongé (jusqu’à huit ans) réduit fortement le THC, principal composé psychoactif, tout en augmentant les taux de CBD et de CBN, deux molécules aux propriétés thérapeutiques reconnues.
Menée conjointement par l’Institut scientifique de médecine légale de la Gendarmerie royale et le Laboratoire de chimie organique appliquée de l’Université Sidi Mohamed Ben Abdellah (Fès), cette recherche s’inscrit dans le contexte de la loi 13-21 de 2021, qui encadre l’usage médical et industriel du cannabis. Elle apporte des données inédites sur la « vie chimique » du hachisch marocain et ses implications pour la justice, la régulation et la filière médicale émergente.
Les scientifiques ont classé les échantillons selon leur ancienneté (0 à 8 ans) et utilisé la chromatographie en phase gazeuse pour mesurer les cannabinoïdes. Les résultats sont frappants : après deux ans, le THC chute de plus de 35 % à 2,7 %, tandis que le CBN grimpe à 6,9 % et le CBD progresse également. Ces transformations sont dues aux réactions d’oxydation, à l’humidité et à la chaleur, souvent présentes dans les conditions de stockage locales.
Les chercheurs ont également mis au point des modèles statistiques capables d’estimer l’âge d’un échantillon à partir de sa composition chimique. Un outil prometteur pour la police judiciaire, qui pourrait désormais dater une marchandise saisie ou identifier les circuits de trafic.
Sur le plan économique, ces mutations ouvrent des perspectives : les résines anciennes, riches en CBD et CBN, pourraient être réorientées vers la pharmacologie, notamment pour des traitements contre la douleur, l’anxiété ou les troubles du sommeil.
Enfin, l’étude insiste sur la nécessité d’instaurer des normes strictes de conservation dans la future filière légale marocaine. Elle montre que le « temps de stockage » n’est pas une simple variable technique, mais un facteur clé pour la qualité, la sécurité et la valorisation médicale du cannabis produit au Maroc.




