Le Parlement ougandais a adopté une loi controversée autorisant la comparution de civils devant les tribunaux militaires, relançant les inquiétudes sur un durcissement autoritaire du régime de Yoweri Museveni.
Ce projet de loi, soutenu par l’exécutif, intervient en réaction à une décision récente de la Cour suprême qui avait invalidé cette pratique. Désormais, tout civil accusé d’avoir agi « en soutien ou en association avec des personnes relevant de la loi militaire » pourra être traduit en cour martiale. Le texte impose toutefois que les présidents de ces tribunaux aient une formation juridique. Mais pour l’opposition et les défenseurs des droits humains, cette disposition ne suffit pas à garantir un procès équitable.
Plusieurs députés de l’opposition ont quitté l’Assemblée en signe de protestation, dénonçant une dérive antidémocratique. Le groupe de défense des droits Chapter Four a fustigé une tentative « d’octroyer illégalement aux juridictions militaires des pouvoirs réservés aux tribunaux civils », qualifiant la loi de coup porté à l’indépendance de la justice. Le président Museveni, au pouvoir depuis 1986, n’a jamais caché son mépris pour l’autorité judiciaire. En réponse à la décision de la Cour suprême qui invalidait les procès de civils par des tribunaux militaires, il avait déclaré que « le pays n’est pas gouverné par les juges ». Il devrait promulguer la loi dans les jours à venir.
À moins d’un an des élections prévues pour janvier 2026, ce durcissement est perçu comme un instrument de répression contre l’opposition. Museveni, 80 ans, ne dispose d’aucun successeur officiel, mais son fils, le général Muhoozi Kainerugaba, se profile comme héritier potentiel. Plusieurs analystes évoquent un possible transfert de pouvoir par un coup d’État sans effusion de sang. Le climat politique reste tendu. Kizza Besigye, ancien médecin militaire et figure historique de l’opposition, est incarcéré depuis novembre pour trahison, une accusation que ses avocats jugent infondée et politiquement motivée. Invisible mais toujours influent, Besigye est devenu un symbole de la résistance au régime.
Dans un pays qui n’a jamais connu de transition politique pacifique depuis son indépendance en 1962, cette loi suscite de vives inquiétudes. Beaucoup redoutent une nouvelle vague de répression, alors que l’appareil sécuritaire se renforce au détriment des libertés civiles.




