Le Pakistan vient d’adopter une réforme constitutionnelle qui bouleverse l’équilibre démocratique du pays. Le 27e amendement, voté à la majorité des deux tiers par le Parlement, accorde une immunité à vie au président Asif Ali Zardari et à l’actuel chef de l’armée, Asim Munir, contre toute poursuite judiciaire.
Cette mesure, dénoncée par l’opposition comme « le coup de grâce porté à la démocratie », marque un tournant décisif dans la vie politique du pays. Le texte, déjà approuvé par le Sénat, n’attend plus que la signature du président pour entrer en vigueur.
La réforme ne se limite pas à accorder une protection judiciaire à vie. Elle élargit considérablement les prérogatives de l’armée en créant le poste de chef des forces de Défense, une fonction confiée à Asim Munir. Ce nouveau rang le place au-dessus des chefs d’état-major de la marine et de l’armée de l’air, consolidant davantage la hiérarchie militaire sous son autorité.
Désormais, tout militaire promu au titre de maréchal conservera ses privilèges et son immunité à vie, une mesure perçue comme un moyen de sanctuariser le pouvoir des hauts gradés.
La réforme prévoit également la mise en place d’une Cour constitutionnelle fédérale, seule désormais habilitée à trancher les affaires liées à la Constitution. Ce changement retire à la Cour suprême une partie essentielle de ses compétences et renforce la mainmise du pouvoir exécutif, qui pourra décider du sort des juges en les mutant à sa convenance.
Pour Syed Zulfiqar Bukhari, porte-parole du principal parti d’opposition PTI, il s’agit d’un attentat contre l’indépendance du pouvoir judiciaire. Plusieurs députés du PTI ont d’ailleurs quitté la salle avant le vote, en signe de protestation.
« Ils ont créé un système où le pouvoir est concentré entre les mains d’un seul homme », dénonce Salman Akram Raja, secrétaire général du PTI.
Même constat pour l’avocat Osama Malik, basé à Islamabad, qui craint une dérive autoritaire : « Ce texte efface le peu de démocratie qu’il restait et supprime tout contrôle civil sur l’armée. »
Depuis l’arrivée au pouvoir du Premier ministre Shehbaz Sharif en 2024, à l’issue d’élections entachées d’accusations de fraude, plusieurs réformes ont été adoptées pour remodeler le système judiciaire. Ces changements sont perçus par l’opposition comme des mesures de revanche politique contre les juges qui avaient rendu des décisions favorables à Imran Khan, l’ancien Premier ministre aujourd’hui emprisonné.
L’armée, institution la plus influente du Pakistan, a dirigé le pays pendant près de la moitié de son histoire depuis son indépendance en 1947. Officiellement tenue à l’écart du jeu politique, elle continue toutefois d’être accusée d’exercer une influence déterminante sur les affaires de l’État.



