Il y a des instants où le temps semble suspendu. Ce week-end, sur la place Abessan de Porto-Novo, le masque sacré Gounouko a surgi, imposant et mystérieux, pour une sortie rare, presque hors du monde.
Dans le tumulte du Festival des Masques 2025, ce moment a créé un silence intérieur. Celui qu’on ressent face au sacré. Le Gounouko ne se montre pas souvent. Lorsqu’il le fait, c’est pour marquer l’histoire d’une communauté, ouvrir un passage entre les forces invisibles et la conscience collective.
Symbole à lui seul de l’équilibre cosmique, il incarne les quatre piliers du monde :
l’air, soufflé par Ayidohouêdo
le feu, attisé par Ogou
l’eau, nourrie par Shango
et la terre, enracinée par Sakpata.
Sa danse, en spirales fluides, hypnotiques, semblait écrire dans l’espace un langage ancestral. Les tambours pulsaient comme un cœur ancien. Les voix des initiés liaient ciel et sol. La foule, compacte, attentive, était prise dans une transe douce, entre fascination et recueillement.
Parmi les visages tournés vers la scène : ceux des habitants, de dignitaires royaux, d’artistes, de curieux. Tous rassemblés pour vivre un instant d’unité, de mémoire et de transmission. La présence du chef suprême du Gounouko ajoutait au poids symbolique du moment. Rien n’était anodin. Tout avait du sens.
Dans une époque qui numérise tout, le masque Gounouko rappelle ce que l’on ne peut réduire : le lien au mystère, la force des rituels, la profondeur d’un héritage qui continue à vivre, non pas dans les musées, mais sur les places, dans les corps et les regards.
Ce moment de grâce confirme que le Festival des Masques n’est pas un simple rendez-vous culturel. C’est une célébration de la mémoire vivante, un acte de foi dans ce que le Bénin a de plus précieux : son âme.




