Le Mali, le Niger et le Burkina Faso se disent prêts à rompre avec le franc CFA, une monnaie héritée de la colonisation française et dont les effets sur leurs économies sont jugés de plus en plus néfastes. Au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), l’heure est désormais à la réflexion stratégique pour créer une monnaie propre.
Selon l’économiste nigérien Salifou Ibrahim, les pertes liées à l’utilisation du FCFA se chiffrent entre 1 200 et 1 600 milliards de francs CFA par an pour les trois pays réunis. À lui seul, le Niger perdrait plus d’un milliard de francs CFA chaque jour. Ces pertes sont liées notamment aux réserves de change immobilisées auprès du Trésor français, à la faiblesse de la croissance comparée aux pays non membres de la zone CFA, à la dépendance commerciale vis-à-vis de l’Europe et à la réduction de la capacité budgétaire des États.
Créé en 1945, le franc CFA est arrimé à l’euro, avec une garantie de convertibilité assurée par la France. Mais cette stabilité apparente s’accompagne d’une perte de souveraineté monétaire, d’un frein à la compétitivité des exportations et d’une rigidité face aux chocs économiques. Le taux de change fixe empêche toute dévaluation compétitive, ce qui renchérit les importations et limite les marges de manœuvre. Dans un contexte de montée des revendications souverainistes au Sahel, la création d’une monnaie régionale, parfois évoquée sous le nom de « Sahel », est désormais perçue comme une nécessité stratégique. Elle permettrait à ces pays d’ajuster leurs politiques monétaires en fonction de leurs réalités économiques, de financer leurs investissements, et de renforcer leur commerce intra-africain.
Certes, un tel changement comporte des risques inflation, perte de confiance initiale, instabilité financière mais les partisans de cette rupture estiment que les bénéfices à long terme l’emportent largement. Comme le souligne le président nigérien, Abdourahamane Tiani : « La monnaie est une étape de sortie de cette colonisation. » Le débat est donc plus que symbolique. Il touche à l’indépendance réelle, à la capacité de construire un modèle économique endogène et à la volonté politique de s’émanciper définitivement d’un système jugé obsolète et désavantageux. L’avenir économique de l’AES pourrait ainsi se jouer dans ce choix monétaire décisif.