Alors que l’Éthiopie inaugure le gigantesque Grand barrage de la Renaissance (GERD) sur le Nil bleu, l’Égypte déploie un arsenal juridique, diplomatique et technique pour protéger son accès vital à l’eau.
Le GERD, d’une capacité de 5 000 MW et capable de retenir jusqu’à 74 milliards de m³, suscite de vives inquiétudes au Caire, où le Nil fournit 97 % de l’eau potable, de l’irrigation agricole et de l’industrie. Le président Abdel Fattah Al-Sissi qualifie cette situation de « menace existentielle ». Le jour même de l’inauguration, le ministre des Affaires étrangères Badr Abdelatty a saisi le président du Conseil de sécurité de l’ONU, dénonçant un acte « contraire au droit international ».
Sur le plan juridique, l’Égypte s’appuie sur les accords de 1929 et 1959 et les principes de droit international relatifs aux cours d’eau transfrontaliers pour exiger un accord contraignant sur le remplissage et l’exploitation du GERD. Selon Mohamed Mahmoud Mahran, professeur de droit international, « l’inauguration sans consensus constitue un acte unilatéral contraire à l’accord de principes de 2015 ».
Diplomatiquement, Le Caire mobilise l’Union africaine, l’ONU, la Ligue arabe et les grandes puissances pour faire pression sur Addis-Abeba. Le gouvernement tente également de fédérer les pays en aval (Soudan, Érythrée et Somalie), afin de bâtir un front uni pour renforcer sa position.
À l’échelle nationale, l’Égypte mise sur des mesures d’adaptation : stations de dessalement, traitement des eaux usées, modernisation du réseau d’irrigation et campagnes de rationalisation de l’eau. Face à un déficit chronique, 55,5 milliards de m³ reçus pour des besoins supérieurs à 90 milliards, la disponibilité par habitant tombe sous 500 m³ par an, bien en deçà du seuil de pauvreté hydrique défini par l’ONU.
Enfin, le Caire soigne sa communication internationale en présentant le litige comme un enjeu de droit fondamental à l’eau, soulignant les impacts potentiels sur plus de 100 millions d’Égyptiens. Selon l’expert Abbas Sharaky, cette approche place Addis-Abeba « sous le regard du monde ».
Entre droit, diplomatie, alliances régionales et résilience technique, l’Égypte multiplie les stratégies pour préserver son avenir hydrique face au GERD.




